La Saga des Burrus

La Gazette a rencontré….

Philippe TURREL, écrivain et biographe, auteur de « La SAGA DES BURRUS » à l’occasion de la séance de dédicace du vendredi 30 novembre 2018 à la Mairie de Boncourt, en présence notamment de Madame Charles Burrus, de plusieurs membres de la famille, de représentants des autorités communales et de nombreux citoyens et personnes intéressés par cette rencontre.

La Gazette :

M. TURREL , votre livre sur la saga des Burrus se lit comme un roman. Qu’est-ce qui vous a motivé à rédiger cet ouvrage ?

« J’avais déjà écrit plusieurs ouvrages sur la branche française des Burrus relatant leurs réalisations en Alsace et à Vaison-la Romaine notamment. J’ai eu envie de poursuivre ce récit s’agissant de la branche suisse.

Pour cela j’ai recueilli un grand nombre d’archives, de photographies et de témoignages en provenance de la famille et d’employés à la retraite de la fabrique de cigarettes et de tabacs Burrus .

En fait cet ouvrage est une suite logique des publications que j’ai déjà réalisées sur cette étonnante famille aux péripéties et rebondissements multiples. Une véritable fresque historique et une saga palpitante.

La Gazette :

A travers les multiples évènements et personnages qui ont marqué la période couverte par votre ouvrage (1820-1996) qu’est-ce qui vous a surtout impressionné ?

Philippe TURREL

D’abord l’audace d’une famille riche, influente et généreuse affichant des valeurs chrétiennes solidement affirmées, sans complexe

Séance de dédicace : Mme Bernadette Burrus et M. Philippe Turrel

Ensuite un pacte original qui a favorisé l’essor économique, la paix sociale et l’engagement humanitaire de chaque génération, depuis le XIX siècle, avec une tradition de mécénat et de philanthropie.

Enfin la générosité et l’ingéniosité d’une famille qui regorge de tempérament et de forces créatrices, formant un puzzle de multiples variétés.

L’essentiel est bien résumé dans la préface de Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération suisse, qui écrit :

«Je souhaite à cet ouvrage une large audience. Non seulement il fait revivre un passé récent, mais il inspire confiance dans la capacité des êtres humains à innover et à s’adapter aux changements.»

Pour sa part, Ghislain Burrus, un descendant de la famille écrit :

« Nous avons toujours essayé de rester à notre place avec un certain sens de la réalité, Nous savons que nous sommes descendants de paysans, avec les pieds dans la glaise.»

L’auteur Philippe Turrel et Joseph Triponez de la Gazette de Milandre

 


Résumé de quelques étapes essentielles de la saga BURRUS :

1. Le début d’une légende dorée….

Les Burrus représentent une vieille famille paysanne et vigneronne alsacienne. Une légende raconte qu’un lointain ancêtre, Sextus Afranius Burrus, chevalier romain, occupait le poste de préfet de Claude puis de Néron à Rome. Une plaque retrouvée à Vaison-la-Romaine l’attesterait.

En fin de XVIIIe siècle, les Burrus alsaciens fabriquent des rouleaux de tabac à fumer et à chiquer. Libéralisé avec la Révolution française, ce marché est bridé par le monopole du tabac instauré par Napoléon en 1811.

2. C’est pour cette raison que Martin Burrus franchit la frontière et vient s’installer à Boncourt en 1814.

Paysan alsacien , Martin a posé les bases d’un empire industriel porté par six générations. Fervents catholiques, les Burrus furent aussi de généreux mécènes

L’affaire prend de l’importance à partir de 1830, lorsqu’elle est reprise par le fils de Martin, François-Joseph. Il s’installe au centre de Boncourt, construit des ateliers.

En 1868, François-Joseph transmet le flambeau à quatre de ses cinq fils. Deux, François et Joseph, poursuivent l’activité à Boncourt. Les deux autres, Martin et Jules, retournent en 1872 en Alsace pour y implanter une filiale, à Sainte-Croix-aux-Mines, entre Colmar et Strasbourg.

3. Abandonnant le cigare, les Burrus inventent la Parisienne, vendue en paquets carrés. La cigarette apparaît en 1886. Il faut la produire à l’échelle industrielle.

Les quatrième et cinquième générations amassent gentiment de la fortune. En misant exclusivement dans le tabac à Boncourt, en se diversifiant pour la branche de la famille retournée en France. Maurice Burrus (1882-1959) fera des affaires financières, de la politique et vouera une passion dévorante à l’archéologie. Il a fait de Vaison-la-Romaine le premier site archéologique de France, y investit 40 millions de francs de l’époque.

Fernand Burrus (1884-1955) se lance dans le chocolat. Aujourd’hui encore, Jean-Paul Burrus est industriel chocolatier en Alsace et en Suisse.

4. Lorsque Charles Burrus (1929-2011) devient directeur technique, en 1960, le site de Boncourt ne cesse d’innover dans les techniques de production. L’industrie est extrêmement profitable, les Burrus sont devenus des gens riches. Ils achètent systématiquement les machines les plus innovantes. Sans jamais recourir à l’emprunt.

S’appuyant sur des valeurs familiales fortes, où la pérennité de l’affaire primait toutes les divergences – on raconte qu’Albert et Henry, de la 4e génération, se disputaient à coups de cannes –, les Burrus ont aussi été à la pointe du progrès social.

5. Ils ont été les premiers en Suisse et les deuxièmes en Europe à octroyer des allocations familiales en 1916, puis l’assurance maladie, une caisse de retraite, des prêts immobiliers et des allocations de naissance. Lors des deux guerres mondiales, ils ont accueilli quantité de réfugiés

Léon et Gérard Burrus ont multiplié les soutiens aux sociétés de Boncourt et d’Ajoie, s’imposant au passage une lutte d’ego. Quand l’un construisait une piscine, l’autre érigeait un stade de football. Quand l’un offrait de l’argent à la fanfare, l’autre faisait de même au club de sport.

6. Un conte de fées ..

La saga Burrus est présentée comme un conte de fées, un exemple de persévérance industrielle transmise de pères en fils (seul Maurice fut célibataire et sans descendance masculine), avec des personnalités au caractère trempé, des valeurs familiales, sociales, religieuses, d’honnêteté, de parole donnée, un mécénat d’envergure.

…qui n’empêche pas les tragédies

Dans les cinq années qui ont suivi la vente de 1996, les frères cadets de trois administrateurs de la sixième génération sont morts lors d’accidents. Le frère de Xavier Burrus, Dominique, était avec son fils de 18 ans dans l’avion SR111 qui s’est abîmé en 1998 à Halifax. Le frère de Charles Burrus, Hubert, s’est noyé en Méditerranée en 1999. Jean-Noël, frère de Ghislain, est lui décédé dans une avalanche à Megève.

7. La fin d’une longue histoire ……

En 1996 F.J. BURRUS est vendue au groupe Rothmans. L’entreprise est actuellement en possession de BAT (British American Tobacco) qui continue de produire des cigarettes à Boncourt .

Nul doute que l’héritage de la famille Burrus restera pour longtemps associé à Boncourt.

Mme Bernadette Burrus et M. Charles Burrus

Texte JT,  janvier 2019

Photos LM : Bernadette et Charles Burrus.

Bernadette est la dernière Burrus à vivre à Boncourt. Charles (1929-2011) a été le dernier administrateur avant la vente de 1996. DR